5.

Lundi 7 janvier 1585, lendemain de l’Épiphanie

Debout dans l’embrasure d’une fenêtre du cabinet qui jouxtait sa chambre, François d’O regardait avec attention la lettre que le messager venait de lui remettre. C’est Dimitri qui l’avait introduit. Le Sarmate était toujours là, devant la porte, la main sur son sabre. Le visage impassible.

O tourna et retourna la lettre plusieurs fois. Il savait qu’un jour ou l’autre, le passé le rattraperait. Cet instant était donc arrivé.

Les vitres de la fenêtre lui renvoyèrent son image. À trente-six ans, sa chevelure, coupée très courte, et sa barbe, taillée en pointe, étaient toujours aussi noires et aussi drues qu’à vingt ans. En voyant son collet à l’italienne et son pourpoint de soie noire, il se dit avec un brin de nostalgie qu’il aurait fait encore bien des conquêtes s’il était resté à la cour.

Quatre ans !

Cela faisait quatre ans qu’il avait quitté la cour, disgracié pour ses dettes de jeu et son insolence, avec une réputation d’intrigant, de débauché, de joueur, et d’infâme duelliste. Mais cette disgrâce, il l’avait recherchée, par fidélité. C’était son plan, et nul ne pouvait le percer à jour, pas même Épernon ou Joyeuse. Il avait tout fait pour masquer sa véritable personnalité. À part le roi, qui l’appelait son Grand économique pour sa science de la finance, seuls ses proches savaient que cette réputation n’était pas la réalité. Qu’il avait l’esprit fin, qu’il était cultivé, sérieux, travailleur, obligeant, et qu’il détestait tuer sans raison. Il avait tout donné à son monarque ; sa réputation, son honneur et sa vie.

Le dénouement approchait-il ?

La mort du frère cadet du roi, en juillet dernier, avait rallumé les passions religieuses et politiques, puisque désormais l’héritier du royaume était l’hérétique Henri de Navarre.

Cela ne troublait guère François d’O. Il n’avait jamais été fanatique et le massacre de la Saint-Barthélemy l’avait révulsé. C’était un des rares sujets qui l’éloignaient du roi. Celui-ci avait beau lui avoir assuré, à maintes reprises, qu’il n’y était pour rien, O savait qu’il lui mentait. Avec sa mère et Henri de Guise, il avait été l’un des instigateurs du meurtre de Coligny, ce qui avait entraîné le massacre. Même s’il n’y avait pas participé lui-même, il avait laissé faire ses hommes et ses amis.

O n’avait jamais compris cette attitude car le roi était tout sauf un être sanguinaire.

Lui était resté à l’écart. Il s’était toujours opposé à ce que l’on maltraite les protestants. Il se souvenait encore de la lettre qu’il avait envoyée aux échevins de Caen, quelques années après le massacre, quand il avait été nommé gouverneur de Normandie : Je vous recommande et mets sous votre protection ceux de la religion prétendue réformée. C’est le soulagement de tout le pays que nous puissions vivre doucement les uns avec les autres.

Son rôle de seigneur était aussi de ramener la concorde dans les esprits divisés et égarés.

Mais aujourd’hui, tout allait recommencer. On disait que la Ligue[23] se ranimait à Paris alors qu’Henri de Navarre tenait la Guyenne, le Périgord et la Saintonge. La France ne pouvait avoir trois rois, tous nommés d’ailleurs Henri, comme par une ironie du destin. Guise, le Lorrain, par son armée et sa popularité, savait qu’il avait le royaume à portée de main ; le Béarnais, lui, avait la légitimité de la race ; quant au dernier Valois, impuissant et enfermé dans son Louvre, les prédicateurs fanatiques appelaient à sa mort. Pour échapper à ces furieux, il n’avait pas d’autre choix que de faire semblant de soutenir Guise et de s’opposer au roi de Navarre. Tout se résumait ainsi, comme le rapportait une chanson : Henri veut, par Henri, déshériter Henri.

Disgracié et chassé de la cour, le marquis d’O s’était rapproché du duc de Guise et lui avait fait allégeance. Un gentilhomme de son rang devait avoir un suzerain, et vers qui d’autre aurait-il pu se tourner puisque le roi l’avait chassé ? Certes le duc n’avait plus aucun crédit à la cour, où il ne résidait pas, mais sa puissance était formidable tant il était adulé du peuple pour sa ressemblance avec son père, le premier Balafré, celui qui avait sauvé Paris de l’invasion espagnole.

Et puis Guise lui avait assuré qu’il resterait sujet du roi de France. Il lui avait juré qu’il souhaitait uniquement que le cardinal de Bourbon soit reconnu comme héritier du royaume, en tant que descendant du sixième fils de Saint Louis, plus proche de Louis IX que son neveu[24] Navarre. Le marquis en avait poliment convenu et l’avait assuré de sa fidélité.

Ainsi, par cet engagement, O se savait désormais félon à son roi.

Chassant ces pensées déplaisantes, le marquis brisa le sceau de cire rouge.

Cher et bien aimé monsieur d’O,

Je sais que vous ne vous départirez jamais de l’affection et de la fidélité que vous portez au bien de mon service.

Je ne vous ai point oublié, mon fidèle économique, et ce sera un plaisir de vous voir.

Je vous attends bien vite et je prie Dieu qu’il vous donne en santé très longue et très heureuse vie.

Donné à Paris, le 3 janvier 1585.

Il n’y avait pas de signature. C’était inutile. François d’O avait tant et tant refait cette écriture qu’il la connaissait parfaitement.

Au-devant de la lettre, sous le sceau, était écrit : À monsieur d’O, gouverneur du château de Caen.

— Qui vous a remis cette lettre, monsieur ? demanda-t-il au messager.

Petit, sombre de peau, l’homme avait tout du brigand de grand chemin, et ne masquait même pas son arrogance. Corselet de cuivre sous un manteau sali par la boue et la neige, chevelure et barbe en bataille, il tenait son bassinet à la main. Ses bottes à éperons de fer étaient râpées et déformées. Une lourde et large épée de côté, en acier à poignée de bronze, pendait à son baudrier de buffle où était aussi accrochée une dague de chasse.

— M. de Villequier, monseigneur. C’était il y a quatre jours. Panfardious ! J’ai crevé trois bêtes en galopant comme un forcené. M. le gouverneur de Paris m’avait dit que je devais arriver avant jeudi. J’ai trois jours d’avance !

O laissa filtrer un sourire sans joie. Il s’approcha du feu et y jeta le pli, le regard fixé sur le papier qui se consumait. Un autre lien avec le passé qui disparaissait, songea-t-il avec mélancolie avant de se tourner à nouveau vers la fenêtre. La neige qui tombait depuis deux jours paraissait se calmer, mais il était déjà trois heures. Trop tard pour partir ce soir.

— Comment vous appelez-vous, mon ami ?

— Eustache de Cubsac, monseigneur.

— Gascon ?

— Oui, monseigneur.

— Je suis satisfait de vous. Je le dirais à M. de Villequier. Vous êtes à son service ?

— Non, monseigneur. Je ne suis au service de personne. C’est M. de Montpezat qui m’a recommandé à M. de Villequier.

— M. de Montpezat ? J’ai connu un jeune François de Montpezat, baron de Laugnac, au service de M. de Nogaret, remarqua O avec une once de méfiance. On le surnommait l’homme de proie malgré son jeune âge.

En raison de sa brutalité et de son ambition démesurée, le marquis d’O n’avait jamais apprécié Jean-Louis de Nogaret, duc d’Épernon. Il savait qu’Épernon s’était réjoui de sa disgrâce qui lui laissait le champ libre auprès du roi. Si ce Cubsac était à Épernon, quel piège cela cachait-il ?

— C’est bien lui, monsieur. M. d’Épernon s’inquiète pour la vie du roi, monsieur, reprit le Gascon avec fougue. Il a demandé à M. de Montpezat de faire venir des gentilshommes gascons qu’il connaît personnellement afin de constituer une garde rapprochée autour de Sa Majesté. Hélas pour moi, je suis arrivé trop tard à Paris et toutes les places étaient prises.

— Expliquez-moi ça… pria le marquis d’O plus chaleureusement, maintenant rassuré devant l’expression piteuse du messager.

— M. d’Épernon avait décidé que cette garde serait formée de quarante-cinq gentilshommes, monsieur. Quinze étant à tour de rôle autour du roi en permanence. Je suis le quarante-sixième ! Je n’aurai une place que si l’un des autres quitte ou perd sa charge, ce qui n’est guère probable tant les appointements sont élevés ; ce sont les mêmes que ceux des gentilshommes ordinaires de la chambre.

— Connaissez-vous quelques-uns de ces quarante-cinq ?

— Je les connais tous, monsieur ! gasconna Cubsac d’un ton rocailleux. Il y a mon parent Saint-Malin, M. de Montserié, ainsi que son frère, M. de Sarriac, Saint-Pol, Pichery, M. de Joignac, Sainte-Maline…

— Ça suffira ! Quel genre d’hommes sont-ils ? demanda O, en secouant négativement la tête.

— Des gens comme moi, cap de Bious ! Bon bretteurs et bons buveurs… s’exclama le Gascon avec un air joyeux.

— Je vois, fit O, en l’arrêtant d’un geste de la main.

Mi-gentilshommes mi-brigands, se dit-il. C’était bien l’idée d’un barbare comme Épernon !

— Et si je vous proposais d’entrer à mon service ?

— Ici ? demanda le Gascon en balayant du regard la pièce d’un regard inquiet.

La salle lui paraissait vraiment sinistre, avec ses coffres massifs datant du siècle précédent, sa lourde table de chêne, ses tentures épaisses et poussiéreuses, son fauteuil à haut dossier, cet énorme bahut ciselé serré contre un lit de sangles pour domestique et ces flambeaux de résine qui ne produisait qu’une chiche lumière. Quant à la campagne qu’il avait traversée, elle ne lui avait paru bonne que pour la chasse au loup.

— Vous trouvez peut-être le Louvre plus attrayant, avec ses corridors obscurs et ses cabinets sans fenêtres ? ironisa le marquis, qui avait surpris le regard de Cubsac.

— C’est que je veux faire fortune à Paris, monseigneur !

— Comme vous voulez, répondit O sèchement. Dimitri, conduis M. de Cubsac aux cuisines. Qu’il mange à satiété et que mon intendant lui trouve un endroit chauffé pour dormir.

Cubsac se tourna vers l’homme nommé Dimitri. En arrivant, il l’avait à peine regardé, jugeant qu’il s’agissait d’un valet. Maintenant, il remarquait sa longue barbe blonde, sa nuque rasée, sa robe en brocart ornée de fourrure, ses bottes cloutées, et surtout le sabre à sa taille, une sorte de cimeterre à la poignée incrustée de pierres multicolores. D’où sortait ce sauvage ? s’interrogea le Gascon. Le nommé Dimitri ouvrit la porte et Cubsac se tourna vers le marquis d’O qu’il salua avant de suivre l’étrange domestique.

O resta seul et se tourna vers la fenêtre. La neige tombait, épaisse et silencieuse, formant un épais rideau blanc qui masquait l’horizon. Le marquis parut s’abîmer dans la contemplation du ciel gris. Le passé lui revenait en rafales. À vingt ans, après de solides études, il était devenu gentilhomme de la chambre de Charles IX reprenant la charge de son père, capitaine des gardes écossaises. Il avait suivi le roi en 1573, lors du siège de La Rochelle ; c’est là qu’il avait rencontré Henri, alors duc d’Anjou, et gagné son estime. Le duc en avait fait son secrétaire particulier, car il était l’un des rares à la cour à avoir reçu une véritable éducation.

Lorsque Henri était devenu roi de Pologne, il était parti avec son avant-garde, en compagnie de son frère Manou. Quand le roi l’avait rejoint, c’est à lui qu’il avait demandé de rédiger sa correspondance secrète ; il s’acquittait aussi des missions les plus confidentielles. C’est à ce titre qu’il était rentré en France en 1574, dès qu’Henri avait appris que son frère Charles IX était au plus mal. Le roi voulait un fidèle capable de l’informer rapidement de ce qui se passait à la cour. Il avait fait le voyage de retour avec Dimitri Kornowski, un Sarmate polonais auquel il avait sauvé la vie.

À la mort du roi Charles IX, Henri avait fui la Pologne pour monter sur le trône de France. O lui était resté très attaché. Il avait été de toutes les campagnes militaires contre les protestants, avait participé à bien des duels contre les amis de Guise, ou ceux du duc d’Alençon. Il avait même organisé un traquenard pour tuer le capitaine Moissonière, un protestant qui gênait le roi. O s’en souvenait toujours avec honte.

Cependant, il y avait gagné définitivement la confiance du monarque. Fidèle, aussi courageux au combat que bon conseiller, le seul sans doute qui ait quelque cervelle ! disait Henri à son entourage. René de Villequier, le premier gentilhomme de la chambre, lui avait alors proposé d’épouser sa fille Charlotte. René était un homme puissant et redouté à la cour tant pour son habileté que pour sa violence. Une dizaine d’années plus tôt, certain que sa femme, Françoise de La Mark, était grosse d’un autre, il l’avait tuée sur son lit, blessant aussi la demoiselle d’honneur qui lui tenait le miroir alors qu’elle se pinpelochait.

C’était l’époque où Henri III lui témoignait toute sa faveur et son estime, songea le marquis avec nostalgie. Il avait rang égal avec Anne d’Arqués[25] et Jean-Louis de Nogaret[26]. Après sa nomination au poste de gouverneur de Paris, Villequier lui avait cédé la charge de premier gentilhomme de la chambre. O était déjà capitaine des chevau-légers, et membre du conseil. Enfin, il avait été nommé gouverneur de Normandie et de Caen. Une place stratégique puisque la Normandie fournissait le quart des impôts du royaume.

Mais pendant ce temps, Navarre devenait de plus en plus puissant, et Guise de plus en plus insolent. Dans son Louvre, le roi était chaque jour plus à l’étroit entre ces deux-là.

C’est alors que François d’O avait proposé son plan au roi, qui l’avait d’abord refusé tant les risques étaient grands. Mais O lui en avait montré tous les avantages, et Henri III avait finalement cédé. Ensuite, tout était allé très vite. Sa disgrâce en 1581, même s’il avait gardé le château de Caen – le verrou de la Normandie –, puis son rapprochement avec Henri de Guise, favorisé par son parent, le marquis de Mayneville qui avait épousé sa cousine Hélène.

Il avait ensuite participé au complot de Salcède[27], ce qui lui avait attiré définitivement la confiance de Guise.

Aujourd’hui, l’heure du dénouement était sans doute arrivée. Malgré son exil, il n’ignorait rien des inquiétants événements qui se déroulaient en France. Deux semaines plus tôt, le marquis de Mayneville était passé le voir. Un traité secret allait être signé entre les Lorrains, Philippe II et le pape Grégoire XIII, lui avait-il assuré. Ce traité reconnaîtrait le cardinal de Bourbon comme héritier du royaume de France. En contrepartie, Guise s’était engagé à détruire l’hérésie.

Mayneville avait rappelé à O sa promesse et son allégeance envers les Lorrains. Il devrait livrer le château de Caen lorsque le duc de Guise le lui demanderait.

François d’O se dirigea vers la porte, sortit dans la galerie et prit la direction des appartements de son épouse Charlotte.

La fille de Villequier, vêtue d’une épaisse robe et d’un manteau d’intérieur turquoise, brodait avec sa dame de compagnie devant un feu qui réchauffait à peine tant les grandes salles du château étaient hautes de plafond. Charlotte avait le teint diaphane, le front haut de son père, un nez aquilin, une petite bouche et un regard timide mais généralement inexpressif. Elle tenta pourtant un maigre sourire en voyant son mari, car malgré un mariage de convenance, elle aimait son époux. Lui l’estimait, tout en regrettant ses conquêtes de la cour.

Il s’inclina respectueusement et lui baisa les mains. D’un regard, il fit comprendre à la dame de compagnie qu’elle devait sortir.

— J’ai entendu un cavalier arriver tout à l’heure mon ami, lui dit Charlotte, j’espère que ce n’est pas une mauvaise nouvelle. Qui peut chevaucher par ce temps ?

— C’était un messager de votre père, madame. Je dois partir pour Paris.

Elle resta silencieuse quelques secondes, comme pour digérer la mauvaise nouvelle. Chevaucher avec cette neige et ce froid était pure folie ! Et surtout, elle allait rester seule, tristement seule.

— Combien de temps vous faudra-t-il, mon ami, pour arriver là-bas, avec ce temps ? demanda-t-elle enfin d’une voix égale.

— Huit jours, au moins. Plus certainement deux semaines. J’irai le plus vite possible.

— Et combien de temps resterez-vous absent, François ?

— Je ne sais pas, j’ignore ce qu’on me veut. Un mois ? Deux mois ? Plus, peut-être. Je vous enverrai un courrier.

Pourquoi allait-il à Paris ? se demandait-elle. Ils avaient été chassés de la cour. C’était une grande misère pour elle qui aimait tant les bals. Depuis quatre ans, elle se morfondait ici, loin de ses amies. Le roi rappelait-il son mari ? Tout en sachant qu’elle n’obtiendrait rien de lui, elle espérait une confidence. Son époux était bien trop secret, trop calculateur, pour se confier à quiconque. Ainsi, il ne lui avait jamais parlé du contenu des lettres qu’il lui donnait, et qu’elle joignait au courrier pour son père.

— Les routes ne sont pas sûres, François. Il vous faut une escorte nombreuse et bien équipée.

— Je sais me défendre et j’ai besoin de reprendre l’entraînement, ma mie. Ceux qui s’attaqueront à moi le paieront cher, répliqua-t-il avec un sourire cruel. Dimitri m’accompagnera, il vaut dix hommes. Le Gascon qui m’a apporté cette lettre, un nommé Cubsac, rentrera avec nous à Paris. Je crois que je peux compter sur lui. Je n’ai donc besoin que de mon valet de chambre et d’un homme d’armes. Nous voyagerons à cheval avec des bagages sur deux bêtes de monte.

— Vous logerez chez mon père ?

— Non, je préfère qu’on ignore ma présence. J’irai chez Ludovic da Diaceto, rue du Temple. Si je dois rester à Paris, je ferai meubler notre maison de la rue de La Plâtrière. Vous pourrez m’écrire là-bas. Il y a suffisamment d’hommes d’armes ici pour défendre le château mais, aux beaux jours, partez à Maillebois. Vous y serez mieux. Vous savez où est mon coffre, je vous le confie.

Elle hocha la tête avec un demi-sourire. Au moins, il lui avait toujours fait confiance pour son argent.

Car O était riche. Dépensier, certes, mais aussi bon économe. Dans son coffre se trouvaient plus de soixante mille écus, dont encore les vingt mille écus que le roi lui avait donnés à son départ. Il disposait aussi de soixante mille livres de rente auxquelles s’ajoutaient les quarante mille qu’il avait reçues en vendant sa charge de maître de la garde-robe royale. Il touchait également une pension de quatre mille écus, que le roi ne lui payait, hélas, pas tous les trimestres, car l’État était en grande disette financière.

— Vous passerez à Caen ? demanda-t-elle.

— Oui, je dormirai au château demain et j’en profiterai pour voir mon frère.

— Il sera content de votre visite, sa maladie le mine et m’afflige fort.

Il la salua à nouveau cérémonieusement avant de regagner son appartement. Là, il annonça son départ à Charles, son valet de chambre, et il lui demanda de préparer ses habits. Le domestique était un ancien soldat qui l’avait accompagné en Pologne et qui le suivait partout.

O retourna dans son cabinet et avec une clef qui ne le quittait jamais, et dont son épouse avait le double, il ouvrit le coffre de fer scellé dans une niche derrière une tenture. À l’intérieur étaient rangés des sacs de cuir de différentes teintes. Il en prit un de couleur paille qui contenait des doubles ducats, des pistoles, des nobles à la rose et des écus au soleil pour environ vingt mille livres. Dimitri gratta à la porte et entra.

— M. de Cubsac se goinfre à la cuisine, annonça le Sarmate à son maître.

— Nous partons demain pour Paris, Dimitri. Avec Cubsac et Charles. Trouve un garde qui puisse nous accompagner. Choisis un solide gaillard qui n’ait peur de rien. Nous ne serons que cinq, mais prévois deux ou trois chevaux qui serviront de bât et de monture de remplacement. Qu’on prépare de la nourriture et du fourrage dans des sacoches sur les selles. Départ au lever du soleil.

— Je m’en occupe, monsieur.

O se rendit dans sa chambre où se trouvait maintenant une lingère avec son valet. Il les ignora et ouvrit un grand coffre ouvragé pour en tirer une épée de côté à la lame gravée et à la garde en arceaux. Cette belle et souple lame au fourreau en argent était un cadeau du roi.

— Charles, vous préparerez aussi mes vêtements de voyage pour demain. Bottes et gants fourrés. N’oubliez pas mes vêtements de cour mais ne prenez que l’essentiel.

Il revint dans son sombre cabinet avec l’arme. Un valet était en train d’allumer les chandelles dans des lanternes murales et de changer la résine des torchères. La pièce était très encombrée avec de nombreux coffres contre les murs, une grande table sur laquelle se trouvait de quoi écrire, des chaises caquetoires et des pliants, sans compter le lit à sangles et le grand bahut sur lequel se dressait une aiguière en étain toujours pleine d’eau fraîche ainsi que quelques verres de faïence. Le marquis d’O posa l’épée sur le lit puis alla ouvrir l’un des coffres. Il en tira une autre épée, plus simple et plus longue, à la lame d’un demi-pouce de large et à la garde en bronze doré, une main gauche[28], un mousquet court à mèche lente, et deux petites arquebuses à main dont la mise à feu se faisait par un rouet. L’une des arquebuses était prolongée par une lame et pouvait aussi servir d’arme blanche. Il sortit ensuite un sac de balles de plomb et une boîte à poudre ainsi que des mèches. D’un autre coffre, il tira une bourguignote damasquinée, ramenée de Pologne, et un plastron de cuivre ciselé, plus commode en chevauchée que sa lourde cuirasse d’acier réservée aux batailles.

Il rassembla cet équipement, puis entreprit de vérifier les rouets des arquebuses avant de les charger. Le rouet était une roue à ressort qui, lorsqu’elle était brusquement relâchée, faisait pivoter une dent d’acier contre une pierre à feu laquelle projetait des étincelles dans un bassinet, ce qui mettait le feu à la poudre. Ce mécanisme, inventé par Léonard de Vinci, permettait de tirer d’une seule main, sans avoir besoin de tenir une mèche, mais il était très fragile, se bloquant souvent et rendant l’arme inutilisable. Sachant que dans les affrontements, le bon état du rouet faisait la différence entre la vie et la mort, le marquis d’O ne confiait jamais ce travail à un autre.

Alors qu’il tassait la poudre au fond d’une des arquebuses à main, son regard s’égara sur le mur où étaient accrochées d’autres armes. Il y avait là une arbalète à cranequin, un cadeau de Catherine de Médicis. Elle était plus courte qu’une arquebuse à main, mais un peu plus encombrante avec son arc d’acier et sa manivelle. De surcroît, elle ne tirait qu’une seule fléchette de fer. Seulement elle ne faisait aucun bruit, ce qui pouvait s’avérer utile. Il se leva et la mit avec les autres armes.

— Sandioux ! Cette maudite neige n’arrêtera donc jamais de tomber ! jura Cubsac derrière eux.

Ils étaient partis à prime et avaient chevauché toute la journée dans la neige et la boue. Mis à part l’heure passée dans une auberge pour se restaurer et se réchauffer, le Gascon n’avait cessé de gronder et de jurer contre les éléments. Dimitri souriait à sa colère. Il avait revêtu le grand manteau des Sarmates polonais et se moquait de la froidure. Sa tête était couverte d’un bonnet de fourrure, et non d’un casque. O, qui était gelé, l’enviait ; sa bourguignote était glaciale et il ne sentait plus ses doigts malgré ses gants en peau de loup.

Le valet de chambre redevenu valet d’armes fermait la marche. Devant lui, les trois chevaux de bât soufflaient et peinaient sur la pente roide qui menait à la porte des Champs du château de Caen.

À la barbacane, ils durent attendre un moment qu’on lève le pont-levis et la grosse herse de bois. Une demi-heure plus tard, ayant laissé leurs chevaux dans l’ancienne aula de l’Échiquier, devenu écurie, ils se retrouvèrent dans la grande salle du logis des Gouverneurs, devant un feu pétillant et un bol de vin bouillant à la main. Surpris par leur arrivée, Jacques d’Isancourt, le lieutenant qui assurait le gouvernement du château avec sa compagnie d’hommes d’armes, les avait pourtant reçus avec plaisir. L’hiver était calme : les visiteurs, et les nouvelles qu’ils apportaient, étaient toujours attendus avec intérêt.

Pendant que Cubsac grondait sur les prêches insolents de quelques curés parisiens contre le roi, et qu’il parlait de la fameuse troupe de quarante-cinq Gascons que M. d’Épernon venait de mettre à la disposition de Sa Majesté, le marquis d’O avait pris son lieutenant à l’écart.

Le gouverneur de Caen était désormais le duc de Joyeuse. Joyeuse avait été son ami, mais O ne se fiait pas à lui, tout en reconnaissant son courage et sa fidélité. En son absence, Joyeuse ne devait pas entrer au château, pas plus que les échevins de la ville, insista-t-il.

De même, si Mayneville se présentait, ou un quelconque membre de la maison de Lorraine, aucun ne devait pénétrer, même s’il n’était accompagné que d’une petite troupe. Ayant terminé ses recommandations, O partit faire une visite des remparts et du donjon – le logis du roi –, puis rejoignit son frère malade depuis quelques semaines.

Jean de Manou, cadet de François d’O, l’avait accompagné en Pologne. Même s’il était l’un des rares hommes à qui il pouvait se confier, il lui dit seulement qu’on l’attendait à Paris.

— Tu ne veux pas m’expliquer ce que tu vas faire là-bas ? Si je pouvais au moins t’accompagner…

— Non, Jean, j’en suis désolé. Tu es malade et tu me gênerais. Soigne-toi, plutôt. J’aurai bientôt besoin de toi.

Manou le considéra un instant avec tristesse, puis lui tendit les bras et le serra dans une forte étreinte. Quand il l’eut relâché, il lui demanda :

— Ce sera dangereux ?

— Depuis quatre ans, je joue un jeu dangereux, tu le sais. Cette fois je risque fort d’être doublement relaps.

— Tu logeras où ?

— Chez Ludovic da Diaceto. Si je dois rester, je ferai meubler ma maison.

— Qui te gardera ?

— Charlotte m’a déjà posé cette question, sourit-il. J’ai Dimitri. Cela suffira. Je sais me défendre, tu sais…

— Mais combien de gens aimeraient occire François d’O à Paris ? s’enquit Jean de Manou, d’un ton désabusé.

— Beaucoup ! Beaucoup trop, mon frère !

— Demande une escorte à Isancourt.

— Non, je ne peux dégarnir le château en ce moment. Et ce ne sont pas les marauds du grand chemin qui vont m’effrayer. D’ailleurs, tu sais que je suis prudent et que j’évite les affrontements inutiles. Mais, à mon tour de te dire de faire attention. En mon absence, on tentera peut-être de prendre le château par ruse…

— Ne crains rien, mon frère. Cependant prends garde aux dangers de la route. Ce ne sont pas les écorcheurs que je crains mais les bandits bien aguerris et bien armés qui font du brigandage sous prétexte de guerre religieuse. La semaine dernière, Isancourt en a pendu une dizaine qui s’étaient attaqués à des fermes.

— Je les éviterai, je te le promets.

— Garde-toi de trop paillarder avec les bordelières de la cour, le railla enfin Manou, avec un sourire fatigué.

En quittant Caen, après avoir entendu la messe dans l’église Saint-Georges, le marquis d’O avait envisagé de faire étape à Lisieux. Diable ! Il y avait moins de dix lieues à parcourir, et s’ils trouvaient des montures fraîches en route, ils arriveraient avant que la nuit ne soit tombée ! Mais la neige incessante changea tout et ils ne trouvèrent en chemin ni chevaux ni nourriture. Pas même une auberge, toutes avaient été pillées et brûlées par des bandes de maraudeurs ou des troupes en guerre. Les Panfardious ! succédaient aux Sandioux ! et aux Cap de Bious ! dans la bouche de Cubsac qui avait du mal à supporter le froid et la faim.

Dans l’après-midi, quand il fut certain qu’ils n’arriveraient pas à Lisieux, le marquis d’O poussa jusqu’à Bieville où une ferme fortifiée leur permettrait de passer la nuit en sûreté, sinon au chaud. La famille O était connue et respectée en Normandie, pourtant le marquis dut parlementer longuement tant le fermier se méfiait d’une troupe d’hommes en armes. Il accepta seulement de les loger dans une grange attenante à sa maison forte où ils durent se nourrir avec leurs propres provisions et dormir sans feu. Le lendemain, la neige tombait toujours, bien que plus faiblement.

Heureusement, ils passèrent leur troisième nuit à Lisieux dans de meilleures conditions que la précédente. L’auberge de l’Aigle d’Or, bien protégée à l’intérieur des murailles de la ville, était constituée de solides bâtiments à pans de bois en encorbellement entourant une grande cour. L’enseigne en bois représentait un aigle noir survolant une table où deux convives à la trogne rouge et la panse bedonnante faisaient bonne chère. O connaissait l’endroit et savait qu’ils y seraient bien traités. Effectivement, le repas de venaison et de chapon gras semés d’amandes et de dragées fut délicieux et abondant, et le marquis put avoir une chambre bien chauffée pour lui tout seul.

Cubsac souffrait de nombreuses gelures et Dimitri lui montra comment les soigner avec de la graisse de mouton. Charles, le valet de chambre redevenu soldat, vérifia mousquets et pistolets avec l’homme d’armes, un gaillard d’une vingtaine d’années, prénommé Bertier et solide comme un roc. Ce soir-là, le marquis d’O observa avec satisfaction que les épreuves des deux premiers jours avaient déjà soudé sa petite troupe. Depuis son voyage en Pologne il savait quelles querelles pouvaient provoquer le mauvais temps et la faim. Le plus dur du voyage restait à faire : jusqu’à Neufbourg, ils n’auraient que de médiocres gîtes d’étape.

La nuit suivante, ils s’arrêtèrent dans une hôtellerie ayant l’aspect d’une petite forteresse avec ses deux tourelles flanquant un corps de logis enserré autour d’une courtine où on entrait par un pont-levis. Le dîner – un gibier trop dur et du vin piquant – fut médiocre. L’aubergiste s’en excusa ; les paysans ne lui portaient plus rien et il achetait la viande à des braconniers qui lui vendaient à prix d’or les plus mauvais morceaux. Pour se rattraper, il mit en garde le marquis d’O contre une bande d’écorcheurs qui écumait la forêt de Fontaine.

Ils repartirent aux aurores, la pluie ayant remplacé la neige. Ils avançaient très lentement tant la boue collante faisait peiner les chevaux. Le Gascon jurait sans cesse, ajoutant des « Mordioux ! » à ses « Panfardious ! » à chaque fois que son cheval s’enfonçait dans une fondrière trop profonde. Seul Dimitri paraissait dans son élément.

La nuit venue, ils furent logés dans le manoir d’un ami d’O. Une solide bâtisse de brique et de bois, avec une tourelle et un pigeonnier octogonal. Leur hôte leur confirma que plusieurs voyageurs avaient été dépouillés et navrés dans la forêt de Fontaine.

C’est le lendemain qu’ils y arrivèrent. Avant d’y pénétrer, ils observèrent la forêt un long moment. Les arbres, dégarnis, étaient couverts de neige et rien ne laissait paraître que des brigands pouvaient s’y terrer. Les cinq hommes repartirent, épée libre attachée à la dragonne et pistolets chargés dans les fontes. Cubsac marchait en tête, surveillant les fourrés et guettant l’embuscade. Ensuite, suivaient O et Dimitri, ce dernier le mousquet à la main, puis les trois chevaux de bât et, fermant la marche, le valet et l’homme d’armes, eux aussi avec leur mousquet prêt. À la selle de Dimitri et de Charles pendait une petite lanterne de fer contenant une chandelle allumée.

Ceux qui les attendaient au milieu du chemin n’étaient que des paysans et des valets de ferme armés de fourches et de faux, mais ils étaient deux grosses douzaines. Leur masure brûlée, leur famille décimée par la violence des soldats en maraude ou par les épidémies, ils n’avaient plus rien à perdre et étaient décidés à ne pas leur céder le passage sans les avoir dépouillés, et sans doute occis pour se venger des atrocités qu’ils avaient subies.

La troupe du marquis s’arrêta à quatre toises devant eux. O hésitait. Charger les gueux était courir le risque d’être navré d’un coup d’épieu ou de fourche. En outre, il avait aperçu une corde, tendue entre deux arbres, qui gênerait une telle manœuvre.

À la chandelle de sa lanterne, Dimitri alluma la mèche lente qu’il avait préparée. Charles et Bertier firent de même tout en s’approchant du marquis, laissant les chevaux de bât en arrière.

— Écartez-vous ! ordonna O aux maraudeurs.

— Laissez-nous vos chevaux et vos bagages, répondit fièrement l’un des gueux, ensuite nous verrons si nous vous accordons merci.

D’un bref regard, O vit que Dimitri et ses hommes d’armes tenaient leur mousquet prêt.

Cubsac s’était écarté. Épée et miséricorde déjà en main, il semblait pressé d’en découdre.

— Allons ! ordonna François d’O à Dimitri.

Les mèches grésillèrent dans la lumière des mousquets qui crachèrent la mort simultanément. Ceux qui avaient tiré jetèrent aussitôt leur arme dans un fourré pour saisir leur pistolet glissé dans une sacoche de selle. Épée dans l’autre main, ils chargèrent en même temps que le marquis d’O et Eustache de Cubsac.

Chaque coup de pistolet porta, puis ce fut le combat rapproché, au corps à corps, épée contre fourche. Ce fut une brève furie. Les premiers coups de mousquet avaient décimé les gueux et, au moment de la charge, une dizaine d’entre eux s’enfuirent. Ne restèrent que six ou sept hommes au courage désespéré, vite blessés ou tués par les lames des assaillants.

L’échauffourée sanglante se termina en moins de temps que pour dire une patenôtre.

Cubsac à lui tout seul avait tué trois hommes par ses prodigieux revers de taille, mais il avait été atteint d’un coup de fourche, heureusement dévié par sa cuirasse. Son bras était légèrement navré. Le cheval de Charles s’était écroulé sous un coup de faux dans le jarret mais le valet était indemne. Trois des gueux étaient atteints de plusieurs coups de lame et perdaient leur sang, couchés dans la neige en gémissant. L’un avait même le ventre ouvert d’où sortaient ses entrailles fumantes dans l’air glacé.

— On poursuit les autres, monsieur ? demanda Dimitri avec férocité.

— Non, pends ces trois-là avec leur corde. (Il désigna un chêne.) Ils resteront exposés au bord du grand chemin et serviront d’exemple. Puissent-ils effrayer ceux qui seraient tentés de les imiter.

Dimitri, aidé de Bertier, s’exécuta, mais comme la corde était insuffisante, ils n’accrochèrent que deux des pauvres hères qui se débattirent un instant avant de mourir.

Cubsac interrogea le marquis du regard. Devait-il achever le blessé en lui coupant la gorge ?

O hésita. La fièvre du combat était retombée. Le sol était rouge de sang. Il leva les yeux vers le ciel gris, les premiers corbeaux tournaient au-dessus d’eux. Comment font-ils pour savoir si vite qu’ils ont à manger ? se demanda-t-il comme chaque fois après un affrontement.

Il essuya son épée sanglante sur l’encolure de son cheval et la glissa dans le fourreau.

— Laisse-le ! Que Dieu et la Vierge lui viennent en aide.

Cubsac eut une moue désapprobatrice avant de diriger sa monture vers les bêtes de bât pour aider Charles qui déjà ôtait les bagages de l’une d’elles pour disposer d’une monture. Dimitri tira sans ménagement le blessé agonisant sur le bord du chemin, ramassa les mousquets, puis entreprit de les recharger avant de remonter en selle. Les autres rechargèrent aussi leur pistolet tandis que Cubsac, qui n’avait pas utilisé le sien, avança son cheval sur le chemin pour vérifier que la voie était libre. Entretemps, Bertier avait ôté l’équipement du cheval blessé qu’il avait achevé.

Quand tout fut terminé, ils repartirent sans un regard en arrière et ne s’arrêtèrent qu’à la sortie du bois, dans une ferme brûlée, pour avaler le repas froid que leur avait vendu l’aubergiste de l’Aigle d’Or.

À Neufbourg, ils furent reçus royalement dans le manoir d’un autre ami du marquis, puis, la nuit suivante ce fut une auberge dans la ville de Louviers. Le ciel restait gris, mais il n’y avait plus ni pluie ni neige. La suite du voyage fut plus facile. À Vernon, les auberges ne manquaient pas, et la nourriture était abondante.

Saint-Germain, leur dernière étape, fut la plus agréable. O et sa troupe entrèrent dans Paris par la porte Saint-Honoré dans l’après-midi du dixième jour depuis leur départ de Courseulles.

Les rapines du Duc de Guise
titlepage.xhtml
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_000.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_001.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_002.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_003.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_004.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_005.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_006.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_007.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_008.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_009.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_010.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_011.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_012.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_013.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_014.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_015.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_016.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_017.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_018.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_019.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_020.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_021.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_022.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_023.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_024.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_025.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_026.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_027.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_028.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_029.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_030.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_031.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_032.htm